Conduite du changement : ne pas oublier l’essentiel

Alors que nombre d’entreprises vont devoir opérer une conduite du changement dans les 6 mois à venir pour faire face à l’effet rebond du Covid et de la guerre en Ukraine, la question du « comment » est loin d’être négligeable. Si 70% des initiatives de conduite du changement se révèlent être en échec, c’est essentiellement pour deux raisons : la résistance naturelle et le manque d’accompagnement.

Pourquoi et comment le salarié résiste-t-il au changement ?

Tout simplement parce que ce dernier bouscule ses certitudes et ses habitudes pour le sortir de sa zone de confort. Pour Michel Crozier, « la résistance au changement est l’expression raisonnable et légitime des risques que comporte le changement pour les acteurs ».

Face à cette expression raisonnable et légitime, le salarié va réagir de diverses manières : sans opposer de réelle résistance, il peut tout simplement manifester une adhésion molle (53%) ce qui revient de toute façon à ne pas entrer pleinement dans la dynamique attendue ;  il peut également s’opposer  par principe, pourquoi changer ? on est très bien comme cela (24%),  ou s’opposer pour des raisons contextuelles (12%), ce n’est pas le moment, ce n’est pas la bonne direction, ou toute autre raison subjective d’appréciation, ça ne m’arrange pas, ça ne m’intéresse plus…

Finalement seuls 11% des salariés développeront naturellement une adhésion marquée à l’annonce d’un changement :  pourquoi, hormis les réfractaires par principe qu’il faut également rallier à la dynamique,  les 65% restants restent-ils passifs devant des perspectives qui devraient les fédérer ?

Ceci est d’autant plus étonnant que les changements sont de plus en plus nombreux  et fréquents en entreprise, tout salarié connaissant en moyenne 2,5 changements par an dans sa vie professionnelle. Ce ne sont certes pas toujours des changements majeurs, qui vont bouleverser radicalement leur quotidien, mais dans un univers de plus en plus VUCA (Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu), le salarié est désormais habitué à avancer sur des sables mouvants, qu’ils soient liés à son environnement (déménagement, télétravail, arrivée de nouvelles ressources…), ou à des facteurs totalement externes à l’entreprise (augmentation du coût de la vie, pénuries de matières premières, grèves…).

Sa résistance naturelle s’acclimate, bon gré mal gré,  à ce type de changements. Mais qu’en est-il des changements de Direction ou de stratégie qui doivent aller au-delà de l’acclimatation pour véritablement « embarquer les équipes » ?

La réaction au changement varie beaucoup d’une personne à l’autre, elle est façonnée par son tempérament, sa capacité d’adaptation et son histoire personnelle. Malgré cette personnalisation de l’appropriation du changement,  une constante subsiste de manière universelle : la Courbe du deuil. Il s’agit là d’étapes de transition qui s’appliquent à tous, plus ou moins rapidement en fonction de la personnalité de chacun, mais qui jalonnent un parcours inévitable dès l’annonce d’un changement  :  passée la surprise viennent la dénégation, la révolte, la transaction, l’abattement, l’essai pour parvenir à l’acceptation.

Quelle que soit la conduite du changement à opérer, il est capital de prendre en compte la réalité de ces différentes étapes que traverseront les salariés pour faire le deuil de la situation passée avant de pouvoir accepter la situation présente. C’est cette dernière étape qui permettra véritablement au salarié de se mettre en action.

Ces étapes nécessitent un accompagnement progressif individuel et collectif. Celui-ci sera d’autant facilité que l’accompagnant ne sera ni juge ni partie. 67% des entreprises ont compris l’importance de ce levier qui permet non seulement d’éviter les dépassements budgétaires (20% en moyenne) liés au retard pris par le manque de mobilisation interne mais aussi d’insuffler ou d’enrichir une émulation collective impactant inévitablement l’image de l’entreprise.

La prise en compte du process d’intégration puis d’assimilation au changement va toucher le salarié sur ses 2 récepteurs fondamentaux : le cerveau droit et le cerveau gauche.

L’accompagnement consiste alors à s’adresser différemment à ces 2 récepteurs pour permettre à chacun de recevoir le message à la hauteur de ce qu’il peut assimiler :  l’approche descendante pour le cerveau gauche et l’approche montante pour le cerveau droit.

L’approche descendante est celle qui va viser à donner le sens, la transparence et la cohérence dont salarié a besoin pour lui permettre d’ accueillir la légitimité du changement. Cette approche opère en général par la communication interne d’un ensemble d’éléments qui forment un tout cohérent et circonstancié, assorti de formation pour permettre sa mise en oeuvre ; c’est le faire savoir et le savoir-faire qui à terme ne formeront plus qu’une évidence intangible. Cette approche vise le cerveau gauche, la partie rationnelle du salarié.

Donner une direction et des moyens est un prérequis qui n’est pour autant pas suffisant pour susciter l’adhésion-mobilisation. Celle-ci opère par la captation du cerveau droit, celui des émotions. Cet objectif est délicat à atteindre, il l’est d’ailleurs encore plus depuis l’introduction du télétravail et de la distance sociale qu’il induit : « loin des yeux, loin du coeur » prend toute sa dimension ; il faudra donc passer d’une méfiance naturelle renforcée par la distance à l’engouement avec d’autant plus de subtilité.

Comment ? En écoutant le salarié, en s’intéressant avant tout à lui : comment perçoit-il les choses ? comment s’y projette-t-il ? que lui manque-t-il pour s’y investir pleinement ?

Que ce soit à l’échelle collective (accompagnement en co-construction ab initio ou en co-développement pour adapter une organisation à son nouvel environnement), ou de manière individuelle par un coaching d’étapes, l’accompagnement vise à impliquer l’équipe dans sa globalité (dirigeants, RH, managers, salariés, représentants du personnel) et à permettre une vision 360 des enjeux .

C’est cette prise en compte de chacun pour l’agréger avec recul à un objectif commun qui fera  la réussite d’une conduite du changement. Il est aussi déterminant de sonder en amont les coeurs face aux changements que d’avoir en aval cette double approche (descendante, et participative) pour réussir son projet et l’inscrire dans la pérennité de l’entreprise. 

Rien ne sert de courir, il faut partir à point : ce point est celui de la préparation et de la culturation des esprits, à ne pas manquer.

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